Les plus beaux monuments des villes étaient d’ordinaire les demeures des dieux. Par malheur, le nombre des temples antiques restés debout en Algérie est fort restreint.
Le mieux conservé est celui de Tébessa : nous en donnons le plan, fig. 39, et une vue, planche XIX. On l’a souvent comparé à la Maison Carrée de Nîmes, dont il n’a pas, il faut l’avouer, les heureuses proportions et la sobre élégance. « On constate bien, dit M. Héron de Villefosse, un travail très personnel dans la décoration, mais de la lourdeur, une recherche d’ornements qui tombe dans l’excès, des défauts qui sont la marque d’une école éloignée des grandes traditions. » Cet édifice date probablement du IIIe siècle. Après avoir été successivement, depuis la conquête française, une fabrique de savon, un bureau affecté au service du génie, un prétoire pour le juge musulman, une cantine, un cercle militaire, une prison, une église, il est devenu le musée de Tébessa.
Long de 18m, 80, large de 9, il s’élève sur un soubassement haut de mètres, dont l’intérieur est partagé en trois caveaux voûtés, aujourd’hui comblés. Il ne parait pas certain que ces salles inférieures aient été utilisées pour le service du temple; peut-être étaient-elles simplement, comme l’a pensé M. Héron de Villefosse, des galeries de soutien.
On montait au sanctuaire par un escalier d’une vingtaine de marches, dont la partie supérieure était resserrée entre deux perrons. Cet escalier a été refait et ne compte, plus que treize degrés, le sol ayant été exhaussé. Une rangée de quatre colonnes forme le front du monument ; par derrière, de chaque côté, deux autres colonnes s’élèvent sur le bord du soubassement. Les fûts monolithes, hauts de 6m, 40 sont en marbre blanc, veiné de bleu ; ils ne présentent pas de cannelures; les chapiteaux appartiennent à l’ordre corinthien. Les murs extérieurs de la cella sont rehaussés de pilastres, avec des chapiteaux de même ordre.
La frise architravée qui surmonte les colonnes et les pilastres, offre des sculptures d’un style surchargé et d’une exécution médiocre. Des panneaux carrés, correspondant aux points d’appui, enferment des bucrânes parés de bandelettes ; ils séparent des métopes rectangulaires, dans lesquelles un même motif est répété partout : un aigle, vu de face, les ailes ouvertes, tenant sous ses serres deux serpents qui s’allongent à droite et à gauche et enlacent des ceps de vigne. Au-dessus, règne une corniche sans larmier ; elle est décorée de pirouettes, de canaux, d’oves et de denticules.
La partie supérieure du temple est d’une ordonnance anormale. Elle consiste en un attique, qui s’élève sur un socle et qui était sans doute surmonté d’une corniche, aujourd’hui détruite. Cet attique est divisé, comme la frise, en une série de panneaux sculptés. Au-dessus de chaque bucrâne, un cadre enferme soit un trophée, soit une Victoire ailée, tenant dans ses mains un bouclier ou une couronne, soit une image de divinité : on distingue les deux Dioscures, Bacchus couronné de lierre et tenant un thyrse, Hercule (?) appuyé sur sa massue.
Quant aux métopes qui occupent les intervalles, quatre d’entre elles sont remplies par deux cornes d’abondance croisées ; les autres présentent deux ou trois guirlandes. A ces motifs se mêlent des rosaces, des branches, des masques ; dans un panneau, on remarque, en outre, deux trophées et un caducée; dans un autre, un mufle de lion.
Les soffites du pronaos sont ornés de rinceaux, de rosaces, de cornes d’abondance flanquant un globe, d’une tête d’Océan, de corbeilles de fruits.
Il ne reste aucune trace de fronton. M. Ballu a supposé qu’au lieu d’une couverture à double pente, il y avait, sur cet édifice, un toit à quatre versants. Moll s’est demandé si des statues n’étaient pas dressées le long du faîte, au-dessus des points d’appui.
Le mur antérieur de la cella a été refait en entier. Toute la décoration de l’intérieur a également disparu. Le pavement est moderne ; peut-être, dans l’antiquité, le sol était-il revêtu d’une mosaïque.
Comme la plupart des temples de l’Afrique romaine, le monument que nous venons de décrire s’élevait au fond d’une cour, de forme rectangulaire, mesurant 41 mètres de largeur.
La façade de l’enceinte est en partie conservée (à 24 mètres en avant du temple). Elle est décorée, au dehors comme à l’intérieur, de pilastres corinthiens et percée de trois portes; celle du milieu, cintrée, a 2m, 15 de largeur.
Le nom du temple de Minerve, donné communément à ce sanctuaire, repose sur une erreur manifeste : on a pris pour des chouettes les aigles de l’entablement, pourtant fort distincts.
Ces aigles ont donné à d’autres l’idée de proposer la dénomination de temple de Jupiter. En réalité, on ignore à quelle divinité l’édifice était consacré. A l’époque byzantine, il fut probablement converti en église, comme paraissent l’indiquer des tombes chrétiennes découvertes derrière le mur
antérieur de l’enceinte.